Mariage et adoption homosexuels : trois étudiants Rennais réagissent

Ces dernières semaines ont été mouvementées sur le plan médiatique : l’ouverture au mariage « pour tous » ainsi que l’adoption, promesse électorale de François Hollande, est débattue en long et en large. Petites phrases assassines relayées par les médias, manifestations et contre-manifestations, c’est l’une des actualités qui fait le plus débat, en ce moment en France.

Ce samedi encore, le Centre gay lesbien bi trans (Cglbt) de Rennes a fait un appel au rassemblement, à 15h30 pour « dire oui à l’égalité ! », place Sainte Anne. Cela fait suite à celle qui a eu lieu contre, il y a une semaine, place de la Mairie. Quelque 900 personnes y sont attendues, d’après l’événement Facebook. Cela fait aussi écho à la manifestation nationale organisée par l’inter-Lgbt le 16 décembre prochain, à Paris.

Les mesures juridiques que sont le mariage homosexuel et la prise en charge de l’adoption de couples du même sexe ne concernent pas que les concubinages actuels. Cela englobe aussi et surtout les générations futures qui souhaiteront se marier et fonder une famille. Pour cette raison et pour connaître l’avis de jeunes sur ce fait de société majeur, le blog lavierennaise a sollicité trois étudiants homosexuels Rennais, Pierre, Elena et Claire. Bien qu’ils soient pour cette avancée sociale, ouverts d’esprit et tolérants, chaque opinion est différente. Cela a été très intéressant d’en discuter avec eux.

 

« Dès qu’on veut changer un principe fort d’une société, forcément il y a beaucoup de gens qui s’élèvent contre ça. Il y a un certain conservatisme etc. par rapport à certaines valeurs, ce que je peux tout à fait comprendre. Comme certains politiques le disent, c’est important qu’il y ait un vrai débat social là-dessus, dresse Elena, étudiante à l’Igr. « Cela mérite vraiment réflexion et il faudrait éviter trop de confrontations avec les politiques qui souhaiteraient faire un changement trop brusque. Prendre le temps des débats, pas accélérer les choses. On ne peut pas imposer un changement comme cela, venant d’une minorité. Le gros problème, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui s’emportent des deux côtés et qu’il y a énormément d’amalgames, de dérives que les politiques de tout bord soulignent et condamnent. Parfois il y a un manque de finesse par rapport aux actions qui sont choisies (ndlr : l’action des Femen lors de la manifestation organisée par Civitas). » Mais un débat entre les deux camps anti et pro-mariage gay est-il possible ?

Transformation nécessaire à la société

« Il va se poser de toute façon, les politiques incitent à ça et ne veulent pas prendre de décision dans l’urgence. [Le mariage homosexuel et l’adoption] sont une transformation nécessaire à la société. Il faut prendre le temps que cela se fasse. Cela se fera dans la durée et il faut éviter de le faire de manière trop frontale. S’il y avait un référendum, j’ai tendance à penser que le « Oui » l’emporterait et que du coup, cela créerait une vraie légitimité. La seule solution pour arrêter la provocation des deux côtés est de ne pas laisser les choses s’envenimer. Pour ça, un référendum clorait quelque part le débat. Il y aurait une réponse démocratique à cette question-là. Chacun a l’air campé sur ses positions, cela va faire manif’, contre-manif’, cela va prendre de l’ampleur. »

Pour Elena, il est surtout question de conflit intergénérationnel. « J’ai l’impression que la majorité des jeunes de notre génération (ndlr : génération 90) sont globalement pour. Il y a plus une opposition de générations. C’est normal, la jeunesse veut apporter ses nouvelles valeurs et forcément, les gens d’une autre génération qui ont grandi avec d’autres principes ont du mal avec cette transformation là. Dans mon entourage, je n’ai pas d’agression particulière ni de remarque. C’est peut-être aussi sûrement dû au milieu spécifique dans lequel je suis, artistique intellectuel. Au fur et à mesure que notre génération va grandir et prendre les postes au pouvoir, il va forcément y avoir une évolution. La majorité, homosexuelle ou non, a l’air d’avoir accepté l’idée et cela ne leur pose pas de problème. » A ces paroles, Claire, sa petite-amie, étudiante à Sciences Po Rennes, rajoute : « La nouvelle génération, c’est avant tout l’avenir. »

« On en débat trop pour finalement ne rien dire. »

Mais cette dernière s’empresse de contre-dire Elena : « Je ne suis pas du tout d’accord avec toi. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait besoin d’attendre encore, encore et encore. Au contraire, on en débat trop pour finalement ne rien dire et tomber dans des polémiques. La seule chose qui en ressort est le côté homophobe de certaines personnes qui se radicalise et inversement, la provoc’ extrême du courant Lgbt. Le gouvernement devrait faire passer la loi. Pour moi, le débat est, bien sûr, nécessaire mais en même temps, c’est stérile car ce sera toujours le cas : il y aura toujours des gens contre -souvent par conservatisme, religion ou liés à des idées éthiques-, il y aura toujours des gens pour. Au niveau du mariage, je ne vois pas où est le problème. »

Pierre, étudiant en histoire et en couple avec David depuis neuf mois, l’énonce lui aussi clairement : « Le mariage, je suis pour. Le Pacs, pas vraiment, je ne me suis pas assez renseigné mais cela ne m’intéresse pas. » Depuis 1998, le Pacte civil de Solidarité (Pacs) est autorisé. A l’époque, c’est une révolution, il peut permettre à deux personnes de même sexe de s’unir. Il y a treize ans, de nombreuses personnes avaient montré dans la rue leur désaccord. Une décennie après, « est-ce que tu vois encore des manifestations contre le Pacs aujourd’hui ? », demande Claire. Et en effet, il n’y a plus rien. Sa légitimité n’est plus remise en doute.

« Régulariser la situation des droits sur les enfants des conjoint-es »

« Dans le débat, c’est dommage qu’on mélange l’adoption et le mariage », continue Pierre. « Le mariage est aussi lié à l’adoption car quand tu es marié-e, tu es légitime pour adopter, argumente Claire, ancienne étudiante en droit. Cela pose problème car on remet en question une famille avec des parents de même sexe. De fait, la question se pose parce que le mariage inclut le côté « on fait un foyer ». Tu as plein de droits qui découlent de cette union, du statut juridique. En même temps, c’est un peu hypocrite de se dire que ce n’est pas autorisé alors qu’il y a des personnes homosexuelles qui adoptent de manière célibataire et qui sont quand même en couple. »

Claire prend comme exemple la Belgique : «  Pour les inséminations artificielles, les gens vont en Belgique. Cela existe déjà, c’est plus une question de régulariser la situation. Le problème actuel est que tu n’as pas de droit sur l’enfant de ton-ta coinjoint-e et ce n’est pas normal. Il y en a qu’un seul des deux qui peut reconnaître l’enfant. D’accord, il y a le Pacs mais le mariage, tu as aussi des choses supplémentaires. Ce n’est pas tout à fait la même chose le mariage et le Pacs sinon il n’y en aurait pas, de Pacs. C’est un peu comme l’IVG, si à un moment tu ne fais jamais passer la loi, l’évolution elle se fera quand ? Ces avancées étaient dans le programme présidentiel et cela faisait parti des choses proposées. François Hollande a été élu avec cette proposition là. »

La démarche d’adoption, « démarche de stabilité »

En ce qui concerne les remarques sur le mariage homosexuel, Claire et Elena font part de leur incompréhension : « Beaucoup de personnes opposées assimilent ça à une démarche décadente, une société pervertie alors que la démarche de se marier, c’est plutôt une démarche de « stabilité » et quelque chose de sain. » Les arguments en défaveur avancent eux qu’une famille ne peut pas se construire sainement avec deux personnes homosexuelles car il n’y a pas une femme et un homme d’où la campagne « Un papa une maman », faite pendant les manifestations anti-mariage gay.

 

« Si on raisonne comme cela, on interdit à une énorme population d’avoir des enfants : famille monoparentale, parents alcooliques, etc. », énumère Elena, la jeune femme aux cheveux bouclés. « On oublie les enfants malheureux d’union hétérosexuelle dans le débat aujourd’hui », commente Pierre. Elle poursuit : « Au final, les personnes anti-mariage gay ont une image faussée de l’homosexualité. Ils y associent tout un imaginaire assez erroné. C’est un problème plus global que le mariage et l’adoption homosexuels.  »

Claire rit jaune : « A un moment, il faut arrêter de se voiler la face en parlant de comportement déviant. Il y a autant de couples hétérosexuels que d’homosexuels qui vont dans des clubs échangistes. » Pour le développement de l’enfant, ce qui compte pour Claire, c’est « l’amour de ses deux parents. » Mais la jeune femme blonde le sait très bien : « De toute façon, après un changement de loi lié à la morale, il y a forcément un changement de mentalité qui se fait sur du long terme. »

« [Les médias] accentuent l’image négative des deux côtés. »

Trop parler du sujet, tue le débat ? Les médias ont, eux aussi, de plus en plus tendance à essayer de trouver la phrase choc, ce qui fera du buzz. « Ils accentuent l’image négative des deux côtés. Pour le milieu gay, on se dit que l’opposition ce sont des extrémistes religieux qui n’ont aucune vision de la modernité. Et dans l’autre sens, ils vont se dire que ce sont des gens pervertis. Regardez ils se trimbalent à poil avec des écritures ! Ça accentue les amalgames des deux forces en présence, on ne parle plus que de cela. Mais il y a quand même des propos du côté contre qui sont très discutables. C’est beaucoup moins développé, intéressant, approfondi que dans le milieu lgbt. Les propos indécents sont beaucoup plus présents, » explique Elena.

Claire précise : « Et surtout, ils n’ont pas d’arguments. Ils ont des opinions. » Ce qui est relayé d’après les deux jeunes femmes, ce sont les propos contre mais surtout pour les critiquer sur les réseaux sociaux. Mais « cela ne laisse pas beaucoup de place aux gens qui ont des avis beaucoup plus modérés », concluent-elles. Pour Pierre, « les gens qui témoignent en faveur du mariage et de l’adoption ne sont peu ou pas représentés dans les médias à grande audience. » Sujet à débattre.

 

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Merci à Benjamin Boré pour ses dessins !