Focus sur un blog Rennais #12 : Nouvelles perspectives

Toutes les semaines, le blog lavierennaise vous fait découvrir un blog à travers une interview du créateur ou de la créatrice.

Musique, littérature, cuisine, politique, bande-dessinée, le blog lavierennaise ne ferme aucune porte ! Et si cela vous intéresse, vous pouvez me contacter en remplissant le formulaire ‘Contact’ ci-dessus.

Aujourd’hui, le blog lavierennaise vous propose de découvrir le blog, Nouvelles perspectives, de Thibaud Denolle, l’un des fondateurs de Fastcook et étudiant à l’université de Rennes 1. On y parle éducation, économie et nouvelles technologies.

Blog lavierennaise : Bonjour Thibaud ! Peux-tu te présenter s’il te plaît ?

Thibaud Denolle, 28 ans et titulaire d’une licence de science économiques obtenue en juin dernier. Je suis entrepreneur, on a monté avec des amis le concept fastcook : un restaurant rapide avec prise de commandes sur iPads. J’ai travaillé 5 ans pour McDonald’s comme directeur de restaurant. Je suis passionné de sports de glisse et d’économie.

Tu as crée ton blog en mars dernier, qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans la blogosphère ?

J’ai ouvert un premier blog très politisé en 2009 que j’ai fermé en 2011 quand on a lancé le projet. J’en ai ouvert un nouveau cette année moins politisé, qui traite encore d’économie mais aussi des nouvelles technologies.

Un rapport avec l’ouverture de Fastcook, dont tu es l’un des fondateurs ?

Non absolument aucun. Je parle de sujets qui m’intéressent quand ça me chante, alors que le premier était plus soutenu. Je me tenais à au moins 2 publications par semaine. Les articles étaient travaillés, je cherchais mes chiffres sur les sites de l’OCDE (NDLR : Organisation de coopération et de développement économique) et de la banque mondiale. Je structurais bien ma pensée et j’en faisais des tartines. Aujourd’hui j’écris ça en quelques minutes sur un coup de tête. C’est plus léger.

Sur la description de ton blog, tu expliques ta démarche : « Je tiens ce blog pour donner mon sentiment sur l’actualité. Je suis politiquement révolté (…) ». C’est une démarche citoyenne, pour toi, ce blog ?

En quelque sorte. Je défends des idées qui ne sont pas du tout « mainstream » (NDLR : de l’avis de tout le monde). Ce blog est mon humble contribution à leur propagation. La technologie a mis à la portée de presque tout le monde la possibilité de donner son avis sur un peu tout et n’importe quoi… pour le meilleur et pour le pire.

Dans ton blog, quand tu parles d’économie, tu fais principalement référence à la marque Apple et au réseau social Facebook. Tu es aussi auto-entrepreneur du restaurant Fastcook qui concilie les deux, à la fois Apple pour les appareils nouvelle technologie et Facebook, pour le design et le jeu de mots avec Fastcook. Tu as une affinité particulière pour eux ?

J’étais l’un des nombreux détracteurs de l’hystérie autour de la marque à la pomme… jusqu’à ce que je touche un iPad. Une semaine plus tard j’avais un iPhone… Une autre semaine plus tard l’idée de fastcook était lancée et je suis devenu aujourd’hui l’un des plus fervent défenseur de cette secte (Rires) !

Tu te dis faire parti du mouvement libertarien. Concrètement, qu’est-ce que cela change par rapport au libéralisme ?

C’est à peu près la même chose. C’est une sorte d’anarchisme qui reconnaît le droit de propriété. Le droit de propriété, c’est juste le prolongement de la liberté de disposer de son corps. Un exemple, je décide avec mon cerveau que mon corps va plus ou moins travailler. Avec les fruits de mon travail, je vais m’acheter un jean, un iPhone, une maison, etc. Tout cela, c’est la même chose. Nous pensons que l’Etat, qui détient le « monopole légal de la violence », (NDLR : référence à Thomas Hobbes, philosophe anglais) n’a pas à nous expliquer quels vêtements on doit porter, si il ne doit y avoir qu’un seul ou dix opérateurs téléphoniques, où j’ai le droit de construire ma maison, est ce que je peux monter mon entreprise, etc. Comme les citoyens ont donné à l’Etat le droit de les priver de leur liberté, il faut être méfiant vis à vis des pouvoirs qu’on lui accorde en lui en donnant le moins possible. Contrairement à ce que 99% de la population pense, les vrais libéraux et les libertariens fustigent la connivence qui existe entre les hommes politiques et les patrons du CAC40 (NDLR : bourse française) qui sortent souvent des cabinets ministériels et de l’ENA (Ecole Nationale de l’Administration). Nous sommes contre le sauvetage des banques, qui comme toute entreprise, devraient pouvoir faire faillite.

A ce sujet, tu as écrit un article sur le rôle de l’éducation dans le recueil Libres, édité par La Main Invisible en juillet dernier. Peux-tu en dire plus sur ton article ?

J’explique dans cet article que l’éducation devrait être repensé à la lumière du principe de subsidiarité. C’est-à-dire que la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d’elle-même. Le meilleur moyen de contrôler un peuple, c’est de lui faire rentrer dans la tête des idées toutes faites jusqu’à ce qu’il en vienne à aimer son propre bourreau. J’avais évoqué dans un article un syndrome de stockholm scolaire : des jeunes font des blocages pour que le système éducatif ne change pas alors que ce même système éducatif les brime et ne les aide pas toujours à trouver un travail. Pour moi, chaque établissement devrait pouvoir tester de nouvelles méthodes éducatives, choisir ses programmes, son équipe pédagogique… pour qu’on apprenne enfin aux jeunes à penser par eux même, à travailler en groupe et à savoir où trouver l’information au lieu de privilégier le par coeur individuel.

Pourquoi as-tu choisi ce sujet ?

J’ai choisi ce sujet car je suis révolté de voir à quel point les principaux intéressés, les étudiants, sont aveugles sur ces questions. Ils se battent pour sauvegarder un système qui les a opprimé. Quel est aujourd’hui le Graal de la réussite scolaire? Être doué en math jusqu’à 18 ans, aller en prépa dans une logique de sélection intensive. Si vous passez cette sélection, une fois qu’on vous a bien trainé par terre psychologiquement avec des notes les plus basses possibles, vous intégrez une belle école et le jour de la rentrée, on vous explique que vous être désormais l’élite de la nation, amenée à diriger les moutons. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas doué à l’école ou en math qu’en vous humiliant, on va vous aider. Il faut installer un nouveau logiciel beaucoup plus décentralisé qui permette l’expérimentation. Qui permette aux responsables d’établissements de composer leur équipe pédagogique, de réorienter les « mauvais » profs dans une autre voie qui leur correspondra mieux, et de récompenser ceux qui font bien leur travail.

Est-ce facile d’être à la fois un pied dans l’entreprise et un pied à la faculté d’économie ?

C’est beaucoup de travail mais c’est très enrichissant. Je n’imagine pas une seule seconde arrêter de me former un jour. Ça permet de découvrir de nouvelles choses, de les mettre en pratique en entreprise et de voir d’un oeil beaucoup plus concret pleins de théories vues en cours.

Alors, qu’est-ce que ça fait d’avoir des idées de « droite » dans une ville dite « de gauche », quand on est jeune ?

En bon libértarien, je suis favorable à l’union entre des personnes de même sexe, à la légalisation de toutes les drogues, pas juste la dépénalisation, et l’ouverture totale des frontières. Je ne me sens pas donc pas spécialement de droite. C’est juste que je ne vois pas comment on peut intellectuellement justifier qu’il faille être libre dans certains domaines, mais que dans d’autres une autorité centrale devrait avoir le contrôle. Ceci étant dit, Rennes reste une ville remplie de bohémiens et de hippies mais ça fait partie de son charme ! (Sourire)

Tu es aussi mordu des nouvelles technologies et cela se voit. Penses-tu qu’à Rennes, cela se développe de façon pertinente ? La Cantine Numérique rennaise remporte un franc succès, ces derniers temps alors qu’elle a été ouverte il y a deux ans. Autre exemple actuel : le Star lance un nouveau service, les codes 2D à l’arrêt des bus pour consulter les horaires.

Rennes est une métropole très dynamique à côté de beaucoup d’autres en France. Après, j’ai l’impression que culturellement, certains français restent très réfractaires aux nouvelles technologies. Ce n’est pas l’ambiance de la sillicon valley (NDLR : Aux Etats-Unis, dans le désert ouest américain) mais ce n’est pas le pire endroit non plus pour innover.

Quelle est l’actualité économique ou politique, qui t’a le plus marqué en septembre, à l’échelle internationale, nationale et locale ?

Je suis de très prêt la campagne électorale américaine. Je suis un fervent supporter de Ron Paul qui n’a malheureusement pas été nommé pour représenter le parti républicain. J’espère que Barack Obama sera battu… Sa politique économique est catastrophique, il n’a pas fermé la prison de Guantanamo, il a continué les guerres en Irak et en Afganhistan. Ce qui est drôle pour un prix Nobel de la paix. Au niveau national, j’ai été désagréablement surpris par la perte de confiance en François Hollande. Une telle baisse indique qu’il y a une bonne partie de la population qui était convaincu que le ciel serait plus bleu après le 6 mai… Localement… j’ai eu très très peu de temps pour sortir en septembre. Je ne sais donc pratiquement pas ce qui se passe autour de moi.

Cela sera-t-il sujet à des articles ?

La campagne américaine très certainement, la politique économique du gouvernement peut-être. Pour le niveau local je ne vois pas comment je pourrais concurrencer ton blog ! (Rires)

Ton blog, est-ce une façon d’expliquer vulgairement l’économie aux étudiants ou simplement de le garder pour soi ?

Il y a un peu des deux. J’aimerais pousser un jour l’idée de vulgariser l’économie qui est un domaine beaucoup trop obscur aux yeux des français.

Le 11 mai dernier, tu as écrit l’article « Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens », où tu expliques la mondialisation souffre d’un consensus français. A l’époque où le local est prôné et où la mondialisation est blâmée par certains politiques -on dit qu’après la fin du communisme, c’est désormais la fin du libéralisme-, penses-tu que le libéralisme tire à sa fin ?

La fin de l’Europe peut-être… La fin du libéralisme? Impossible. Les recettes libérales permettent à de très nombreux pays de sortir du sous-développement. Les pays autrefois communistes savent les désastres qu’il a produit. Ils libéralisent leurs économies et en peu de temps, leurs niveaux de vie augmentent. L’Europe, par peur du déclin, se repliera-t-elle sur elle même ? C’est possible mais je ne le souhaite pas… Je souhaite vivre dans un monde ouvert où les gens comprennent que les Chinois ne sont pas nos ennemis. Qu’on ne peut pas d’un côté être indigné par la pauvreté dans le monde et de l’autre empêcher qu’ils se développent et nous rattrapent.

D’autres perspectives sont-elles envisageables, pour toi ?

Ce serait très poétique de dire à la nouvelle génération que c’est à elle de penser un nouveau monde harmonieux. La réalité, c’est que nous parlons d’outils: les marchés, la finance, un état plannificateur… Une hache peut servir à couper des arbres et construire des maisons. Elle peut aussi tuer des hommes. On n’accuse pas une hache d’un meurtre. Pour ces outils, c’est la même chose. On leur attribue des maux dont il ne s’agit que de la nature humaine. Et même sous la torture et avec des lavages de cerveaux, il ne me semble pas que ceux qui ont essayé de changer la nature humaine aient réussi à l’infléchir.

Merci Thibaud d’avoir répondu à mes questions !