Focus sur un blog Rennais #14 : Pierre Bunk

Toutes les semaines, le blog lavierennaise vous fait découvrir un blog à travers une interview du créateur ou de la créatrice.

Musique, littérature, cuisine, politique, bande-dessinée, le blog lavierennaise ne ferme aucune porte ! Et si cela vous intéresse, vous pouvez me contacter en remplissant le formulaire ‘Contact’ ci-dessus.

Aujourd’hui, le blog lavierennaise vous propose de découvrir le blog éponyme de Pierre Bunk, graphiste indépendant, illustrateur et auteur de bandes dessinées. Comment devenir illustrateur de BD ? Comment réussir à être reporter-dessinateur ? Qu’est-ce que le découpage dans une bande dessinée ? Voilà les questions existentielles (ou non) que l’on s’est posés avec Pierre. A vos crayons !

 

Bonjour Pierre ! Peux-tu te présenter s’il te plaît ?

Bonjour ! Je m’appelle donc Pierre Bunk, j’ai 30 ans, je suis graphiste indépendant, illustrateur et auteur de BD. J’habite à Rennes depuis mon déménagement de Paris, en 2010.

Tu avais déjà un blog, A cUI A Day, mais tu en as crée un nouveau blog en 2009. Peux-tu expliquer quelles en sont les raisons ?

L’idée du blog vient de mon ancien atelier de free-lances, à Paris : UI Studio. J’avais créé un petit oiseau comme mascotte, parce qu’un oiseau, ça fait cUI. Mes copains, à l’atelier, m’avaient demandé de faire vivre un peu le site en changeant de manière régulière le header du site. Tout a dérapé et j’ai commencé à faire un peu n’importe quoi avec le cUI et j’ai ouvert un blog pour montrer ma production, vu que la plupart n’ont jamais été utilisés sur le site !

Tu as changé ton coup de crayon sur ton nouveau blog et dessines de façon réaliste, entre autres, personnages, évènements de ta vie personnelle, jeux de carte. Graphiquement, de qui t’inspires-tu pour dessiner ?

En fait, c’est le contraire, j’utilisais une technique principalement à l’ordinateur à ce moment pour m’entraîner à faire de l’illustration tout public. Pour mon blog, je suis retourné à mon style de dessin plus naturel, plus personnel. Pour mes inspirations, il y en a des tonnes ! Je me suis autant inspiré d’auteurs de BD que d’autres personnes, travaillant sur d’autres médias, principalement pour le rythme. C’est quelque chose de très important pour moi dans la BD. Je pense à Kiloffer et Taiyou Matsumoto, Libon, Cha, Ibn Al Rabin, Nicolas Presl, Winschluss, Boulet ou encore Shintaro Kago, l’inventeur de l’eroguro, mélange d’érotisme et de gore, qui, à côté de ça, a fait les plus impressionnantes BD à contrainte que j’aie jamais lues. Pour les autres, je pense à Don Hertzfeldt, un animateur américain ou encore François Pérusse, le comique Canadien… Je ne peux pas citer tout le monde, il y en a tant et à chaque fois qu’on me pose cette question, je panique et j’oublie tout le monde… (Sourire)

Dans une interview pour EspritBD, tu parles justement de tes influences et fais notamment référence à François Pérusse, comme tu viens de le faire, pour son « sens de l’humour et son rythme » qui ont influencé ton « découpage ». Peux-tu en dire plus ?

Dans la BD, c’est le lecteur qui a le pouvoir là-dessus. Il peut lire une page en 4 secondes comme en 30 minutes. J’essaie donc d’entraîner mes lecteurs dans l’histoire et de lui instiller ce rythme, un peu comme dans une chanson. Ça peut se faire de plein de manières différentes : on peut faire une grande pause en prenant toute une page pour faire une grande case, c’est une belle respiration. On peut juste intercaler une case silencieuse, qui marquera un temps. Si on en met trois d’affilée, ça donnera un silence gênant, etc. C’est dans cette optique que je m’inspire de Pérusse. Ces temps sont complètement différents à mettre en place à la radio que pour une structure « classique » de BD avec des cases ou dans mes Chroniques Bretonnes. Bon, enfin, j’essaie de faire cela dans mes BDs, j’espère que ça fonctionne et que les gens apprécient autant que moi quand j’en lis !

Tu racontes que pendant ton lycée, tu étais avec des passionnés de bande dessinée. Tu as intégré plusieurs fanzines dont « Turkey Comix » et en as crée un, « Motosex ». Pour les néophytes, qu’est-ce qu’un fanzine de bande dessinée ? Cela a l’air très répandu dans ce milieu…

Historiquement, c’est un mot valise anglais qui vient de fan et magazine. Tu t’intéresses à un sujet, et hop c’est parti ! Pour moi, c’était un peu une phase obligatoire du jeune dessinateur : on travaille en collectif, on s’impose un rythme de parution, on se débrouille pour en poser chez des libraires etc. Mais maintenant, c’est plus facile d’ouvrir un blog et ça te permet une meilleure visibilité, vu que les fanzines débutants sont généralement tirés entre 50 et 250 exemplaires, mais je ne sais pas si ça apporte autant d’émulation…

Quand je suis arrivé chez Turkey Comix, on se retrouvait très régulièrement même si c’était trimestriel. On se montrait nos travaux, on se critiquait, on s’admirait et on copiait éhontement les dessins et styles qui nous plaisaient. (…) On recherche sans cesse de quoi raconter quelque chose et si on ne trouve pas, on trouve le moyen de rendre intéressant quelque chose qui ne l’est pas du tout ! L’idée est de se débarrasser du plus gros blocage du scénariste et du dessinateur : la peur de produire de la merde. Et sans s’entraîner l’imagination, on se bloque tout seul ! De cette période, je garde en plus d’un esprit général, mon lettrage, que j’avais piqué à Zéphirin Zéffirelli et la patience, que j’ai acquise en pompant les trames grises en petits traits de Tarabiscouille, deux super auteurs de Turkey Comix !

Ton blog a été le blog révélation de l’année 2012 sur EspritBD, pour tes « Chroniques bretonnes ». Tu as commencé à les réaliser en 2010, lors de ton déménagement de Paris pour Rennes, de la Capitale à la province (rires)… As-tu des anecdotes à raconter par rapport à ces chroniques ?

Oh oui, certainement ! Tout d’abord, je dois préciser que j’ai passé la plus grande partie de ma vie en région parisienne. Ce déménagement, qu’on avait voulu avec Djoul, ma copine, c’était un peu un saut vers l’inconnu pour moi. Je me suis donc dit que j’allais commencer à faire ce blog pour m’aider à réaliser et pour tenir les copains au courant des fabuleuses aventures qu’on allait vivre si loin de la capitale ! Je me suis lancé un peu à l’aveuglette, c’est pour ça que les premiers posts sont un peu chaotiques, pas très harmonisés entre eux. Et puis, assez rapidement, l’idée de traiter l’ensemble sous l’angle renaissance-parisiano-colonisateur m’est apparu comme celui qui portait le plus de promesses en décalages, qui me permettrait le mieux de tordre la réalité un peu chiante en quelque chose de marrant ! (Rires) J’ai le rôle du colonisateur, ce qui est plus marrant pour le lecteur. J’aime jouer avec les clichés, mais doit y avoir mieux… Sinon, je peux certifier que toutes les chroniques sont basées sur des histoires vraies !

Sur ces planches de bande dessinée, tu exagères les traits et y mets beaucoup d’humour. Rennes est devenue, sous tes traits, une ville médiévale où tu y découvres le monde des paysans. Comment réagissent tes amis de Paris en lisant cela ? (Sourire)

Comme je te disais, à Paris, on est très Parisiano-centrés. Pendant toute la période où j’habitais en banlieue, c’était la mort pour faire venir les copains chez moi, alors que j’habitais à une demi-heure du centre ! Après le périph ou le métro, on a tendance à considérer qu’on est en zone inconnue… Alors imagine-toi. La Bretagne… c’est la jungle ! (Rires) Mais au final, tout le monde prend ça à la rigolade, les Parisiens ne se sentent pas trop agressés par leurs représentations de colons snobs super sapés et les bretons aiment bien être représentés en africains à marinière !

« Sans déconner, fermer les bars à minuit et demi [à Rennes], c’est un peu couillon. »

Que penses-tu de Rennes ?

On avait choisi Rennes parce qu’on connaissait déjà du monde sur place et qu’il y avait une bonne vie culturelle et des loyers moins chers qu’à Paris. Et depuis que je suis arrivé, je ne regrette pas d’avoir fait le trajet ! L’atmosphère y est en général assez détendue, les automobilistes te laissent passer sans qu’on les y oblige ! C’est impensable à Paris. Bref, il fait bon vivre à Rennes ! Mais sans déconner, fermer les bars à minuit et demi, c’est un peu couillon.

Dans le milieu de la bande dessinée, il faut avoir plusieurs projets pour pouvoir vivre de ses dessins. A ce propos, quels sont tes projets actuels ?

Pour l’instant, on traverse une grosse période de trou financier avec Djoul, alors la priorité est : survivre jusqu’à ce qu’on ait un HLM. A partir de là, je vais pouvoir me concentrer sur divers projets, mettre le blog un peu plus souvent à jour, etc. Mais je voudrais bien me consacrer de plus en plus à la BD, si c’est possible. En attendant, je continue à bosser pour des projets collectifs, comme le fanzine Liégeois Münster Mind, qui devrait sortir sous peu, le Speedball, le ‘zine du collectif Humungus.

Tu as été membre du jury à Rennes pour le tremplin CROUS de BD pour l’année scolaire 2011-2012, sur le thème de la « Vie étudiante ». Alors, en Bretagne, y a-t-il une relève ?

Je suis assez mitigé sur ce concours : on n’a eu que 7 participations ! Alors qu’il y avait trois prix de 300 à 700 € à la clef ! Aux étudiants qui nous lisent, tentez le concours BD, il y a peu de concurrence, ça peut valoir le coût ! Mais revenons à nos moutons : ce que j’ai vu du concours de BD étudiante était intéressant mais pas encore mature. Il y avait beaucoup d’univers récupérés de la culture populaire, comme le Seigneur des anneaux ou Super Mario ! C’est marrant de faire de la parodie, du détournement ou du clin d’œil, mais le plus important est de raconter quelque chose dans un univers qui t’est personnel. Donc tout cela doit mûrir et je chercherais plutôt la BD à Rennes vers les éditions l’Oeuf.

« Pour faire ce métier, il faut s’accrocher. »

Quelques conseils pour des étudiant-es qui veulent être dessinateurs/dessinatrices de Bds ?

D’une : de s’accrocher. Ce n’est pas demain qu’ils pourront se nourrir avec un métier pareil. De deux : de remettre souvent son dessin en question et de s’imprégner de tout ce qu’ils peuvent. Y’a pas de honte à pomper, tant qu’on ne fait pas du bête recopiage. De trois : de se mettre en groupe. A plusieurs, si on a un coup de mou, on peut compter sur les autres pour se booster et on ne s’émulera jamais si on est tout seul. De quatre : amusez-vous ! N’ayez pas peur de faire n’importe quoi. Faites des fanzines en une nuit, avec quelques copains et de la bière pas cher !

Discret mais bien présent, tu fais aussi des reportages BD pour Rennes1720.fr qui mélangent humour et actualité. Comment t’y prends-tu quand il y a un événement à couvrir ? Tu prends un petit carnet et notes tes idées ?

C’est Julien Joly, le rédac chef et créateur du site qui m’a contacté pour que je bosse là-dessus. Le jour dit, on part à deux couvrir un évènement. Je préfère car comme en général, je n’y connais un peu rien, c’est plus facile de trouver un angle quand on a les sous-titres ! Sur place, on prend quelques photos, je prends des notes principalement écrites, plus que dessinées. Je m’imprègne de l’ambiance et je cherche de l’œil quelque chose qui pourrait valoir le coût de raconter. Je ne suis pas là pour faire un compte-rendu donc je cherche un moyen de rendre les faits un peu marrants !

Prends par exemple le premier reportage que j’ai fait, sur le conseil municipal : c’est le plus flagrant. Je me suis retrouvé face à un parterre de gens en costard-cravate ou tailleur que je n’avais jamais vu ou jamais entendu parler. Julien m’avait expliqué en gros qui était qui et à partir de là, tu as un œil complètement neutre. Les mecs de droite qui votent contre, les autres pour, ils sont plus nombreux, ça passe. Sujet suivant. C’est ça pendant trois heures. De temps en temps arrivent des sujets où il faut argumenter, alors ils font passer un papier avec leur discours à la presse et ils les lisent. C’était un peu ubuesque comme situation, j’ai trouvé ça marrant donc je suis parti là dessus ! Et on m’a dit que depuis, les élus ne distribuent plus de copies de leurs discours à la presse !

Cela fait quoi d’être dessinateur-reporter ? (Rires)

C’est bizarre, parce que d’un côté, je n’y connais rien du tout. Et de l’autre, j’ai les mains complètement libres pour raconter ce que je veux, alors c’est assez plaisant. Quand on est allés au SPACE pour couvrir la venue du président, on s’est vite rendu compte qu’on ne verrait que des perches de micros et l’arrière du crâne des autres reporters. On est allés visiter le salon en lui-même et discuter avec les gens, ce qui était beaucoup plus intéressant !

Festivals d’Angoulême, de Paris -le Festiblog avec Pénélope Bagieu et Bastien Vivès, entre autres- et récemment de Saint-Malo, lequel est ton préféré ?

Eh bien chacun est différent, Angoulême, c’est la grosse machine, mais ça me permet de revoir des potes qui sont dans les milieu, mais qui habitent loin etc. Le Festiblog, c’est encore autre chose, c’est beaucoup plus petit, c’est tout gratuit et convivial, les auteurs viennent dédicacer des bouquins que les gens ne sont pas obligés d’acheter sur place, à des fans ou à des gens qui veulent juste un dessin gratuit, peu importe qui leur fait… Honnêtement, j’aime bien les deux et j’espère que je retournerai à Angoulême et que je serai réinvité au Festiblog !


Quels sont tes futurs projets personnels et pour ton blog ?


Pour le blog, je vais essayer, dès que j’aurais la possibilité, de m’y remettre plus sérieusement, pour essayer d’arriver à une ou deux chroniques par mois pour un jour les proposer à une maison d’édition. Sinon, avec les éditions Même Pas Mal, j’ai un contrat avec Pierrick Starsky et Julie Djoul pour un livre d’une soixantaine de pages. Pierrick est au scénario et on s’occupera du dessin à deux mains avec Djoul. Mais c’est un projet qui prend beaucoup son temps ! Alors en attendant, je bosse et je réfléchis à faire une série de peintures. J’aimerais bien faire une petite série de dieux ou de talismans utiles : des protections pour empêcher de te faire piquer ton briquet en soirée, pour mieux se réveiller le matin, ce genre de trucs. Tout ça est en réflexion mais je vous tiendrai au courant par le blog !