Le premier livre de l’année 2013 du blog lavierennaise est Le silence de Marie (Edilivre), écrit en 2010 par Nina Vivien, auteure d’origine parisienne exilée à Rennes. Englouti en quelques jours, les 124 pages de ce récit autobiographique transportent dans l’univers sensible de Nina.
Un petit bouquin touchant qui traite de façon simple l’assumation de soi après un passé difficile et étouffant où se mêle peur, amour et joie. Elle y parle de son homosexualité, de sa maltraitance lors de son enfance et surtout de son amour pour la vie et pour les femmes. Pour Marie. Livre coup de cœur.
Le silence de Marie s’ouvre sur un changement de vie : Nina quitte Paris, ville où elle a vécu depuis toute petite, après une séparation douloureuse. Elle s’installe en Bretagne au bord de la mer dans une chambre chez l’habitant un peu austère. Les pages se tournent et le lecteur en apprend au fur et à mesure un peu plus sur cette jeune femme, son présent et son passé. Nina essaie de gérer sa rupture avec la personne qui a partagé sa vie. Cette dernière passe à un état dépressif et se renferme sur elle, états relatés par Nina Vivien d’une façon très simple, sans fioritures, elle qui aime les métaphores et les comparaisons à foison. Nombreuses sont les pages que j’ai pliées parce qu’une phrase m’a interpellé, où je me suis dit que tel ou tel propos était joliment écrit. Ce qui touche le plus dans ce livre, ce sont les sentiments qu’elle arrive à faire passer avec le parfait maniement de la langue française.
Correspondance virtuelle
Après un passage à vide lors de son arrivée en Bretagne, la narratrice s’inscrit sur un site de rencontres : « Je ne pensais pas me retrouver de nouveau sur un de ces sites de rencontres. Je me plie à l’évidence : qu’il est de plus en plus difficile de rencontrer une personne simplement, quelle que soit son attirance sexuelle. » (page 19) Là-dessus, elle rencontre une jeune femme, Marie avec qui elle conversera pendant un bon moment. Le lecteur suit la majeure partie des échanges de mails envoyés et lettres écrites. A cette correspondance se mêle le passé de Nina qui la hante. A travers des mots, elle peine à avouer à Marie qui elle est, une jeune femme qu’elle a pendant longtemps eu du mal à assumer : enfant maltraitée, homosexuelle réprimée par sa famille qu’elle a préféré fuir.
Ce nouvel environnement, cette rencontre virtuelle, c’est sa vie qui se reconstruit. Les morceaux du puzzle qui se ré-assemblent. Souffrant de dépression et d’agoraphobie entre autres, Nina souhaite retourner travailler mais est souvent jugée par ce qu’elle souhaite échapper, sa vie antérieure. « Je prends conscience que je deviens comme certains ; ceux de l’exclusion. Ceux qu’on laisse crever dans le caniveau. Les exclus de la société. Les rebuts. Les marginaux. Ceux qui ne sont pas dans la normalité. » (page 52) Plus qu’une vie racontée, ce récit est surtout une ode à l’amour universel. L’amour de la vie, de s’accepter soi-même et d’aimer l’autre. Nina est homosexuelle et a mis beaucoup de temps à l’accepter. Sans tomber dans le pathos, cette Bretonne de cœur expose ses souffrances : l’incompréhension des autres et la confrontation du milieu médical (antidépresseurs, changement de psychiatre).
Joies et peines d’un amour épistolaire
Mais les joies apportées par Marie avec qui se lie une histoire amoureuse, sont nombreuses. L’écrivain reprend goût et se remet à la peinture, activité qu’elle adore. « C’est bouleversant de beauté. Je suis amoureuse et mon corps ne cesse de vivre pour cela : pour toi. » (page 53) L’amour est montré dans son aspect le plus pur. Les échanges entre Marie et Nina sont sincères et doux, la liaison entre ces deux femmes est même parlante pour les personnes hétérosexuelles. De quoi donner du fil à retordre aux personnes réticentes aux amours homosexuels.
La fin se termine brutalement et c’est là que le nom du livre prend tout son sens. Le lecteur apprend en même temps que Nina l’hospitalisation d’urgence de Marie après un accident dont elle ne s’est pas remise. Et ensuite, plus rien. Nina est confrontée à l’absence et à sa douleur. Elle survit. Dans la dernière partie un peu décousue de ce livre, elle parle de la parution de son premier livre Alcôve, dans leuqel elle traite plus en profondeur de la maltraitance qu’elle a vécu et de son homosexualité qu’elle a refoulé pendant des années. La jeune femme quarantenaire glisse aussi dans Le silence de Marie, des articles de presse sur ce premier livre, sa rencontre avec des lycéens et son témoignage pour les associations SOS Homophobie et Mixités lors de son arrivée à Rennes. Les dernières pages se terminent sur une lettre adressée à Marie, sans nouvelles depuis des mois, qu’elle n’a jamais envoyé. Ses derniers mots plein d’espoir donnent du baume au cœur : « Il me faut être vivante ! Cette pulsion de vie ne me lâchera jamais. » (page 123) Ils donnent envie d’y (re)prendre goût, de se sentir plus vivante qu’hier. Des larmes auront coulé lors de la lecture de ce petit livre on ne peut plus humain de Nina Vivien. Et on sait combien il est difficile de parler de tels sujets douloureux sans, nous lecteurs, se sentir voyeurs. L’auteure a réussi avec poigne à traiter de tout cela, toujours de façon positive.
En tout cas, cela m’a donné envie de lire aussi ses deux autres livres Alcôve et L’essence des choses, qui sont la continuité de son acceptation de soi. Un beau parcours initiatique qu’on ne lui souhaite à terme que positif.